samedi 4 avril 2020

Journal d'un con

Je ne suis pas en colère.

Je déteste être enfermé. 

Mais je ne ferai pas de journal de confinement, je ne conseillerai pas de lectures, je ne partagerai pas de liens de trucs drôles, sketches ou bien concerts à la maison d'artistes à la con, ni de pétitions, ni de chansons. Je n'aime pas regarder les séries, je ne suis abonné à aucune chaîne. Je hais les one man/woman show et les comiques. Les recettes de cuisine, les conseils du chef. La philo et la sociologie d'opportunité. Je hais les psys de comptoir qui nous expliquent que ceci, cela. J'emmerde les proctologues du développement personnel, du zen et du retour en soi. Je n'aime pas les prophètes de malheur, ceux qui ont tout prédit. Ceux qui disent que c'est la vengeance de la nature, les faux écolos de mes fesses. Je hais les complotistes, les anti-tout, les spécialistes en tout. Je conchie les collapsologues, collectionneurs de rouleaux de PQ et de boîtes de petits-pois. Les branlouilleurs d'apocalypse. Je ne relaye pas les coups de gueules . Les tribunes, je m'en tape. Monsieur, madame j'ai une opinion et je vous l'assène sans permission. Je ne supporte pas l'impératif de chier sa science. De couper la parole à l'autre. Je n'aime pas les discours débilitants, infantilisants. Faut faire ci, faut pas faire ça, autorisez vous à aller acheter votre baguette, lavez-vous les mains, la bite, urbi et orbi. Je n'aime pas cette ambiance de méfiance, la délation du voisinage des infirmiers puis les applaudissements sur les balcons le soir : bravo ! Merci, quelle joie d'être en taule chez soi ! J’abhorre cette ambiance de trouille, de lâcheté, cette attente quotidienne de notre dose macabre : combien de morts, combien de cas graves, à qui le tour demain ? Après vous ! Je ne soutiens personne, ni valeureux agriculteur, ni héroïque personnel de santé, ni la sinistrée industrie du livre, ni celle, délaissée du spectacle, ni ceux qui télé-travaillent, ni les courageux géniteurs qui affrontent leurs sales gosses tous les jours, ni les gentilles caissières, ni les éboueurs, ni les postiers, encore moins les livreurs. J'ai à peine de quoi me soutenir moi-même. Je regarde l'eau monter accroché à mon arbre. Je vois flotter les débris du petit monde qui m'entoure, les cadavres gonflés de certitudes de ceux qui ne doutent jamais. Je méprise les politiciens et les religieux. Je déteste cette fin du monde au décor de cinoche de série B. Que restera t-il de tout ça ? De l'ironie pour les scribouillards de l'ennui, du mépris pour les tenanciers du marché noir de la peur, de la suspicion et des rancœurs mal rotées, du dépit et de la tristesse pour le temps perdu. Ces jours qui manqueront au compteur.

Putain de compteur.

4 commentaires:

  1. Très bon billet, ça sort du coeur...et optimiste avec ça. On retiendra naturellement lavez-vous les mains, la bite, urbi et orbi

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