
Je ne partage pas l'optimisme ambiant qui suggère que le conflit aura réussi à réveiller les consciences et que tout cela se traduira dans les urnes en 2012 par un échec du président s'il se représentait pour un second mandat.
Je ne partage pas l'optimisme des chefs syndicalistes qui veulent faire croire que le mouvement de grèves aurait triomphé dans le sens où il a gagné la bataille de l'opinion.
C'est bien de vouloir sortir par le haut et prétendre que la loi étant votée, toute poursuite du mouvement relèverait de l'action politique et se dédouaner en disant que les syndicats ne doivent pas porter le fer politiquement. Je ne partage pas ce point de vue non plus.
Je rappelle que seulement une infime partie des salariés, autant dans le privé que dans le public, ont manifesté en masse ces derniers jours et c'est toujours les mêmes. Que les seuls grévistes qui ont tenu bon et occasionné un début de
panique dans les ministères étaient dans les raffineries et qu'ils se sont retrouvés seuls au combat. Les cheminots n'ont pas suivi, les routiers non plus. Je ne parle même pas des agriculteurs et des pécheurs qui ont été grassement
subventionnés pour continuer à roupiller tranquillement. Certes l'opinion était favorable au mouvement mais c'était par procuration plus que par engagement réel.
Je rappelle que l'opinion était déjà défavorable au chef de l'état bien avant cette réforme, il n' y a qu'à regarder sa courbe de popularité catastrophique. D'autant plus qu'il faut toujours rester prudent avec les sondages et les mouvements de masse. Nul n'est en mesure de donner un pronostic pertinent sur le résultat de la future présidentielle. Souvent peuple varie.
Les chefs syndicalistes français ont porté un coup de grâce au syndicalisme dans notre pays. Préoccupés qu'ils sont de donner une image de syndicats "responsables", ils ont parlé et agi dans l'inhibition permanente et dans la défensive devant des mecs décidés à ne pas reculer. Les syndicalisme français était aux abois, il est aujourd'hui en passe d'être anéanti.
L'erreur qui a été commise c'est les manifestations à répétition trop sporadiques pour être efficaces. L'erreur qui a été commise c'est d'avoir laissé les raffineurs seuls dans l'arène. A chaque interview, ils avouent leurs regret de reprendre le boulot, sont amers et se rendent compte qu'ils sont les seuls a avoir beaucoup perdu dans l'affaire. A mon avis, ils réfléchiront à deux fois avant d'entamer tout mouvement à l'avenir.
L'erreur qui a été commise c'est de ne pas avoir frappé un grand coup et sur une courte période. Ils ont joué le temps et l'adhésion du public mais n'ont pas prévu une réponse comme celle-là.
Les syndicats s'embarrassent de scrupules mal venus devant un exécutif qui a montré sa rigidité et sa détermination. Même s'ils prétendent le contraire, ce mouvement avait une résonance politique. Alors pourquoi refluer sur un tel motif et prendre autant de gants avec un président qui n'hésite pas devant la
provocation ? Après ça, il ne perdra pas l'occasion de leur chier encore une fois dans les bottes et, ce qui est encore plus grave, nous concocter une réforme de la sécurité sociale aux petits oignons. Pourquoi se priver ?
De plus, la rigidité et l'impassibilité du gouvernement donnera des ailes au patronat qui finira le boulot. Ce passage en force réussi va encourager les patrons a plus d'inflexibilité dans leurs relations avec les travailleurs et leur ouvre un boulevard pour finir d'écraser toute velléités de combat social local au sein des entreprises.
Après ça, il peuvent proposer une "réflexion sur l'emploi des séniors et des jeunes" dont personne n'a rien à cirer, ça ne mange pas de pain, ça permet de se donner une contenance, un air responsable et l'illusion de pouvoir discuter d'égal à égal avec les patrons.