mercredi 2 mars 2011

Mon pote Momo.

Il en a fait du chemin mon pote Momo depuis qu'il avait débarqué un soir d'hiver sur une plage de l'enclave de Mellila pour rejoindre l'Europe. 

La passeur rencontré à Tanger avait soigneusement oublié de lui dire qu'une fois en vue du rivage, lui et ses camarades d'infortune devront sauter dans l'eau froide pour rejoindre la terre ferme. Heureusement que cette nuit-là, l'embarcation ne contenait que des adultes. Il paraît que parfois quand la mer est forte ...

Momo faisait partie de ces jeunes gens qui avaient fait des études supérieures mais qui ne trouvaient pas d'emploi, alors une partie du quartier s'était cotisée pour lui offrir un passage clandestin vers l'Europe. C'est un peu comme une bourse d'étude un peu particulière car il était le seul  à avoir fait de longues études pour devenir médecin. C'était la fierté des siens.

Bien sûr Momo avait tenté les moyens légaux pour s'installer en France en essayant de faire jouer des connaissances sur Facebook. Il était au courant des actualités, s'informait sur le manque de médecins dans certains coins reculés. Il avait même regardé, avec envie, ce reportage mille fois passé à la télévision française sur les infirmières espagnoles qu'on recrutait à prix d'or en France ainsi que ce maire de village qui exhibait fièrement devant les caméras tout l'équipement flambant neuf ainsi que l'appartement équipé qu'il mettait gratuitement à la disposition  de la jeune médecin roumaine qui hésitait encore et qui finirait par ne pas venir.

Momo savait aussi que des gens comme lui étaient les pions d'un jeu politique en France et en Europe de façon générale.  Souvent montrés du doigt et désignés à la méfiance et parfois la haine des petites gens lorsque approchaient les élections. Momo était persuadé qu'il ne faisait rien de mal . Il voulait une vie meilleure pour lui, et une fois installé, pouvoir éventuellement envoyer  de l'argent à ses parents à la retraite, restés au pays. Il avait l'intention de poursuivre des études de médecine et décrocher le concours d'internat,  précieux sésame qui lui permettrait d'exercer en France.

En attendant, il subit deux années d'errance : un coup on le relâche dans la nature, un coup on l'enferme  à nouveau dans un centre de rétention. Toujours sur le fil, dans la crainte de l'expulsion et la honte du retour forcé.  Il parvint néanmoins à remonter la transhumance de la misère vers l'Espagne avec le passage obligé sous les serres surchauffées d'Almeria et ses petits contremaitres au profil de Thénardiers modernes.  L'Andalousie des livres d'histoire était bien loin. Puis avec les petites sommes durement gagnées  à gorger d'invraisemblables fraises de toutes sortes de produits chimiques sans protection ni fiche de paye, il arriva dans une sorte de jungle de Calais méridionale à la frontière franco-espagnole où il eut la chance de rencontrer des membres d'une association d'aide aux migrants à laquelle il proposa ses précieuses compétences médicales. 

Ainsi, de fil en aiguille et au gré des rencontres, mon pote Momo put s'installer en Pays basque grâce à ses copains de l'association humanitaire et obtenir des papiers. Il apprit à ses dépens que les diplômés en médecine venant d'Afrique du nord étaient considérés autrement que leurs congénères français.  Surtout lorsqu'ils étaient noirs. Il devait se cantonner à des fonctions d'infirmier et subir la loi des gardes interminables dans les services. S'occuper des vieilles  personnes parquées sur des brancards dans les couloirs de l'hosto. Les amener aux douches pour les laver :  bref   se farcir le boulot que les autres ne voulaient pas faire.

Il avait même pensé à contacter le maire du village de la télévision ... mais en vain. 

Momo commençait à se sentir bien dans sa nouvelle vie jusqu'au jour où il apprit que des collègues qu'il appréciait particulièrement avaient annoncé tout de go lors d'une soirée au pub qu'ils avaient voté pour le front national et que lui, Momo était bien sûr différent etc ... Deux jours plus tard, il chargeait ses valises dans le TGV qui l'amenerait vers Paris. Il avait trouvé une place d'infirmier urgentiste à Bichat.

Il en avait fait du chemin depuis ce soir d'hiver mon pote Momo. C'est à cela qu'il pensait  durant cette nuit froide et pluvieuse dans l'ambulance du SAMU qui l'amenait dans un immeuble parisien des quartiers riches où on avait signalé une personne en détresse cardiaque. Lorsqu'il vit Eric Zemmour par-terre, il n'hésita pas une seconde : il sortit le masque à oxygène et commença les massages cardiaques.

Mon pote Momo n'est ni un délinquant ni un trafiquant de drogue.

Note de l'auteur : ce récit est purement fictif.


13 commentaires:

  1. Un parcours de combattant, dans lequel il faut se battre systématiquement, et généralement sans le moindre résultat, à part celui de crever de fatigue et d'épuisement dans des boulots pourris que personne ne veut faire, voilà que tu as si joliment (peut-être pas le mot) décrit.

    L'inverse parfait du discours frontiste où même de droite (où même centriste, où pire socialiste) qui stipule que tout est plus ou moins grand ouvert pour les immigrés... ce qui est complètement faux.
    belle histoire.

    Seul petit bémol, ça serait pas plutôt d'une grave attaque due à un dysfonctionnement évident du cerveau, qu'il nous partirait en couilles, ce coup-ci, le Zemmour, hein ?

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  2. En quel cas, l'infirmier pourrait songer à le laisser crever dans sa propre merde, non ?

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  3. Devenir médecin en France est un vrai parcours de combattants,que ce soit pour momo hamed ou maumau rice!

    Très bon billet ;)

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  4. MHPA, j'oubliais de dire qu'à la fin de l'histoire Eric se rétablissait complètement.

    Nicolas, Thierry : merci.

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  5. Non désolé,Captain, pas belle histoire tellement cela suinte l'épopée vue , revue et corrigé par les bons sentiments, le malheure des uns, oliver twist tant qu'on y est, c'est fleur bleue à souhait. Et le coup du Zemmour a la fin... Grandiose mais par les temps qu courent t'aurais du mettre Galliano.

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  6. Merci! Il était très intéressant.

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  7. non dans ton histoire il y a un truc qui colle pas, à la fin Zemmour ne se rétabli pas complétement, il a des dommages irréversibles au cerveau ce qui l'amène à proférer des bêtises à la télévision.


    très beau billet

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  8. Corto, les histoires de couturiers pour vieilles rombières des beaux quartiers chnouffés jusqu'aux yeux ne m'intéressent pas. Ce qui me fait sourire c'est cette droite UMP qui perd le nord et se met à se révolter contre le politiquement correct et crie au bâillon alors qu'elle ne rêve que d'uniformes et d'habits de bure. Merci pour le compliment quand même :)
    Bonne soirée à toi.

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  9. Femme, Lolobobo merci. Je n'ai pas de haine contre Zemmour. Juste de la peine de le voir dépassé par les événements et servir de faire-valoir à des gens qui, au fond, le méprisent.

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  10. Joli billet Captain.

    Momo n'a pas encore appris les derniers gestes d'accompagnement des mourants alors? Dommage! ;o)

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  11. Pow, j'ai pensé à une fin du genre : il a longtemps hésité à débrancher Jean Marie qui finissait chambre 18, puis finalement s'est ravisé et partit pisser. :)

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  12. Mon dieu comme tu peux être méchant. ;o)

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