Jephan est un artiste que je ne connais pas personnellement. Je connais son travail d'artiste par hasard, par un séjour à Paris ... à Belleville plus particulièrement où j'ai eu la chance de vivre quelques jours chez l'amie d'une amie qui possède des livres écrits sur lui et quelques uns de ses personnages énigmatiques planqués dans des boîtes en bois.
Je parle de "travail" d'artiste, mais ce qu'il fait n'est pas un travail. C'est tout ce que j'aime dans l'art, cet art qui vous remue, qui vous regarde au fond de l'âme et qui vous questionne.
Pourtant à regarder les étranges créatures, on leur trouve la même expression: un visage de cire démultiplié par dix, vingt, cent... Vincent sans oreille. Des faces rondes comme des pleines lunes tristes, avec des yeux comme des points. Agrandis par une cavité orbitale qui les fait ressembler à des oiseaux de nuit.
Des corps semblables à ces oiseaux morts qu'on retrouve à la fin de l'été, secs et légers, dissimulés dans l'herbe. Des êtres qui avancent dans une longue procession biblique, un péplum silencieux de l'humanité en déshérence.
Des corps sans membres, recouverts d'un large pan d'on ne sait quoi, tassés, collés les uns aux autres, les visages tendus dans la même direction, vers les mêmes peurs. Une tribu primitive planquée au fond d'une grotte sombre et qui attend une éclosion.
L'éclosion d'un œuf qui a été traîné pendant des siècles par leur parents et leurs grands-parents, de grotte en grotte de peur en peur. Un œuf sur lequel il est écrit des choses que nul ne peut lire.
Jephan dit qu'il a créé parce qu'il se perdait dans la forêt d'automne de son enfance.
C'est peut-être aussi pour cela que j'aime bien ce qu'il fait.
Allez voir !