Nous apprenons qu'une équipe de diplomates français est sur le point de se rendre à Tripoli pour s'y installer alors que l'ancien patron du pays reste encore introuvable et que l'OTAN continue à pilonner les positions de ses derniers fidèles. Devant une telle précipitation, on ne peut s'empêcher de penser que la France, qui se démène pour être aux avant-postes dans ce pays, prend tous les risques et c'est le moins que l'on puisse dire.
Comment rouvrir une ambassade alors que le sang n'a pas fini de couler ? Quand la sécurité n'est pas encore assurée dans un pays dont un habitant sur deux détient une arme à feu ?
Car contrairement aux autres révolutions arabes, celle-ci va se dénouer dans le sang et l'odeur de la poudre. Plus aucune autorité de maintien de l'ordre n'existe dans ce pays clanique : pas de police ni d'armée. La pays tout entier pourrait devenir la proie de groupes lourdement armés qui fatalement viendront réclamer leur part du gâteau et celle de leur défunts. Aucune justification pour libérer tous les prisonniers -même ceux de droit commun- n'a été donnée par ce fantomatique CNT. Aucune garantie non plus qu'il réussisse à désarmer tout ce beau monde une fois Kadafi définitivement éliminé. Aucune initiative claire pour la constitution d'une force libyenne officielle capable de remettre de l'ordre, instaurer le calme et protéger ce pays nouveau.
Finalement, le bonheur est peut-être simple : sécuriser quelques quartiers de la capitale (comme naguère à Bagdad et en Afghanistan) ainsi que les principauxs terminaux pétroliers sur la méditerranée. Au diable le reste ! Rien à cirer de la porosité des frontières sud du pays propices à tous les trafics ! Rien à secouer du risque de déstabilisation des forces en places dans la région saharienne jusqu'aux rives de l'Atlantique !
En ces heures de libération, nous paraissons, nous français, étonnés à la vue de ces reportages qui montrent des quartiers crasseux et misérables, des prisons où se pratiquait quotidiennement la torture. Où les gens étaient parqués comme des bêtes parfois pour des motifs insoupçonnables "trois ans de prison pour avoir déchiré un billet de 5 dinars portant l'effigie du Raïs cinglé" (vu sur le journal de F2). Comme si nous découvrions l'horreur de ce régime pour la première fois .
Non, personne ne peut dire qu'il ignorait que ce type était dangereux pour son pays et pour le reste du monde. Personne ne peut dire qu'il n'avait rien entendu des témoignages qui accablaient ce régime. Tout le monde savait que lui et ses fils se permettait le pire et pourtant à la faveur d'une pauvre real politik imposée au gouvernements occidentaux par des vendeurs d'armes et des exploitants pétroliers, Kadafi pouvait sans problème, continuer à narguer les démocraties en plantant sa tente dans leur amour-propre et leur honneur perdu.